Accident mortel de la circulation : de 3 ans d’emprisonnement à 30 ans de réclusion criminelle
Un accident mortel de la circulation implique toujours des douleurs immenses que l’on se trouve d’ailleurs du coté victimes (famille du défunt, proches…), ou du coté mis en cause (incompréhension, rejet par la famille, circonstances honteuses…).
Nous aborderons dans cet article, exclusivement l’aspect défense du conducteur mis en cause. Si vous êtes une victime, donc un proche du défunt, cliquez ici.
Le 30 mars dernier, Malamine Traoré était condamné en appel à quinze ans de réclusion criminelle pour avoir tué deux policiers avec son véhicule. Alors que ce dernier circulait de nuit sur le périphérique, ivre et sans permis de conduire, il est pris en chasse par une patrouille de police. L’accusé prend la fuite et percute un véhicule de la BAC, tuant deux des trois policiers présents sur le coup. Tout l’enjeu du procès reposait sur la qualification juridique de l’accident.
Alors que l’homme comparaissait aux Assises pour des faits de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, son avocat tentait de requalifier les faits en simple homicide involontaire. Selon ce dernier, même si son client était conscient de commettre un délit de fuite, il n’avait pas la volonté d’infliger des violences aux policiers.
Alors, comment distinguer les deux notions : violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner ou homicide involontaire ?
La nuance est en réalité très fine, puisqu’elle repose sur l’interprétation que retiendront les juges (ou jurés devant une cour d’assises) du caractère (ou non) intentionnel de l’accident. Or, comme le dit si bien l’adage, le droit ne sonde pas les reins et les cœurs…
Lors d’un accident mortel de la circulation, trois qualifications juridiques sont en réalité possibles.
1° L’homicide involontaire (Art 221-6 et s. du Code pénal) est le plus fréquemment retenu en cas d’accident, et l’infraction reste alors de l’ordre du délit. Le prévenu a commis une ou plusieurs fautes ayant causé l’accident mais n’a eu ni l’intention de tuer la victime, ni de la blesser.
La peine variera selon la gravité de la faute : maladresse, imprudence, inattention, négligence, jusqu’à la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Les peines vont de 3 à 10 ans d’emprisonnement en fonction du nombre de fautes, de leur nature, et de la présence ou non d’éventuelles circonstances aggravantes.
2° La seconde qualification possible est celle des violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner (Art 222-7 du Code pénal). Le dossier bascule alors dans le criminel, et, dans le cas d’un accident de la circulation, le véhicule est considéré comme une arme, ce qui constitue une circonstance aggravante et fait grimper la sentence à 20 ans de réclusions criminelle.
Il s’agit d’un dol praeter intentionnel, c’est-à-dire que le conducteur a eu la volonté du comportement (blessures), mais le résultat dépasse ce qui était initialement attendu. Pour être constituée, l’intention de porter le coup ou les violences responsables de la mort doit donc être prouvée et le lien de causalité entre l’acte de violence et le décès établi.
Dans l’affaire qui nous intéresse, l’avocat général avait estimé que M. Traoré avait utilisé son véhicule comme une « voiture-bélier » pour franchir le barrage policier. Il savait donc qu’il causerait des dommages en forçant le passage, mais n’avait pas l’intention – semble-t-il- de tuer les trois passagers du véhicules.
3° La dernière qualification possible – et la plus rare heureusement – est celle de l’homicide volontaire (Art 221-1 du code Pénal). Dans ce cas, l’intention de tuer (animus necandi) est certaine chez le conducteur : il voit la victime, il l’écrase. Par exemple, nous avons eu à connaitre d’une affaire dans laquelle le conducteur d’un véhicule avait percuté la victime de face, et avait trainé son corps sur plusieurs centaines de mètres.
A noter « La frontière entre ces trois qualifications semble logique en théorie, mais en pratique elle peut s’avérer poreuse… » Michel Benezra
Dans une de nos affaires, un automobiliste sera bientôt jugé aux Assises pour avoir percuté une moto par l’arrière, causant ainsi sa mort. Si le conducteur n’a pas vu la moto, il s’agit d’un homicide involontaire. S’il a voulu percuter la moto pour X raisons mais ne voulait pas le tuer, la seconde qualification sera la bonne. Si, enfin, son intention était de le faire chuter pour l’écraser, alors l’homicide volontaire devrait, en toute logique, être retenu. Pour un même fait, plusieurs interprétations sont donc possibles, et les trois qualifications sont envisageables.
« Mais comment apporter la preuve en justice d’une telle intention ? »
La cour prendra sa décision selon un faisceau d’indices : dans de telles affaires, chaque détail est analysé, discuté à l’audience, contrés par les parties adverses.
Des expertises accidentologiques, toxicologiques, et des autopsies ont nécessairement lieu pour établir un premier scénario des faits.
Pour éclairer les juges sur la personnalité de l’auteur, des expertises psychiatriques, psychologiques et des enquêtes de personnalités peuvent être également réalisées. La famille et les proches de l’auteur et de la victime sont auditionnés, des appels à témoins sont lancés dans la presse, les vidéosurveillances sont analysées…
Chacune des déclarations de l’auteur sera vérifiée : le conducteur avait-il besoin de lunettes de correction ? Son téléphone a-t-il sonné au moment du choc ? Le corps comporte-t-il réellement des traces de réanimation comme l’affirme l’accusé ? Y’a-t-il des traces de freinage sur le sol ? Quelles étaient les relations entre l’auteur et sa victime ? Y’avait-il eu un conflit en amont ?
L’enjeu est grand pour l’avocat de la défense qui s’efforcera de faire en sorte que soit retenu l’homicide involontaire à l’encontre de son client : la peine variera entre 3 ans d’emprisonnement et … trente ans de réclusion criminelle.
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Chloé Soulier, Juriste
BENEZRA AVOCATS