Licenciement et annulation de permis ou suspension de permis ? Quels recours ? Légal, pas légal ?

Beaucoup de métiers, de professions, de postes et autres requièrent l’obligation de détenir un permis de conduire valide.

Lorsque l’on parle d’un taxi ou d’un chauffeur, cette nécessité est évidente mais quid d’un salarié qui travaille dans une compagnie d’assurance, ou celui qui travaille dans un cabinet d’expert-comptable, ou celui enfin, et les exemples sont nombreux, qui travaille dans un supermarché ?

Désormais les employeurs prennent le soin d’indiquer dans les contrats de travail, que le permis de conduire est essentiel et qu’à défaut de détenir un permis valide, le licenciement est encouru.

Pire, certains employeurs demandent à leurs salariés de justifier d’un permis valide, chaque année. Se posera alors la question des moyens utilisés par l’employeur pour contrôler la validité du permis de conduire du salarié. L’employeur doit-il se contenter d’une simple copie du permis ? Peut-il exiger le permis physiquement, ou peut-il, comme parfois il est rapporté, en toute illégalité demander au salarié de lui transmettre un relevé de points, voire ses codes d’identification pour accéder au décompte de son capital points ?

Dans tous les cas, si une clause du contrat de travail prévoyait que le salarié devait informer son employeur en cas d’annulation ou de suspension de son permis de conduire, et que ce dernier ne l’informait pas, il serait susceptible de se voir sanctionner et ce, jusqu’au licenciement.

Mais que se passe-t-il lorsque l’employeur décide de mettre fin au contrat alors qu’il a appris en toute légalité ou illégalité d’ailleurs, que le permis du salarié a été annulé ? Nous sommes alors sur un licenciement et annulation de permis de conduire!

La cour de cassation et particulièrement sa chambre sociale vient récemment de rendre un arrêt, le 28 mars 2018 (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 février 2018, 17-11.334, Inédit).

Cet arrêt vient compléter la jurisprudence concernant les licenciements fondés sur le permis de conduire lié soit :

° à une suspension administrative de permis de conduire (suspension administrative du préfet – 3F)

° à une suspension judiciaire liée à une infraction au code de la route (alcool au volant, stupéfiants au volant, autres infractions…)

° à une annulation du permis administrative pour défaut de point (réception d’une décision 48SI)

° à annulation judiciaire liée à une infraction pénale assez lourde (homicide involontaire, blessures involontaires, mise en danger de mort…) ;

Chambre sociale, 28 février 2018, n°17-11.334 : « Mais attendu qu’ayant fait ressortir que le permis de conduire était nécessaire à l’activité professionnelle du salarié, la cour d’appel, qui a constaté que celui-ci du fait de la suspension de son permis de conduire, était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ».

Dans le cas de la présente affaire, M. X… a été engagé le 10 janvier 2000 par une société « Z », en qualité de technicien d’intervention auprès de la clientèle ;

Monsieur « X » avait déjà été sanctionné une première fois par un avertissement en 2006 à la suite d’un excès de vitesse qu’il avait réalisé ; Monsieur « X » a commis un nouvel excès de vitesse en 2013, et son permis de conduire a été alors. Son employeur l’a alors licencié pour cause réelle et sérieuse.

Le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes afin de contester son licenciement et obtenir le versement d’un complément d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

Les 1er juges n’ont pas accédé à sa demande et ont considéré qu’il y avait bien une cause réelle et sérieuse qui fondait le licenciement du salarié et que l’inexécution du préavis était la conséquence de l’incapacité du salarié d’exécuter son préavis suite à la suspension immédiate de son permis de conduire.

Le salarié a décidé de porter cette affaire devant la Cour de cassation et a formé un pourvoi en cassation en invoquant :

(…)

1°/ que seule la faute grave prive le salarié de son droit à préavis ou à indemnité compensatrice s’il ne l’exécute pas ; qu’en déboutant M. X… de sa demande de complément d’indemnité de préavis et des congés payés afférents, alors même qu’elle avait confirmé le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, de sorte qu’il ne reposait pas sur une faute grave, seule de nature à priver le salarié de son droit à préavis ou à indemnité compensatrice s’il ne l’exécute pas, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

2°/ que l’employeur est tenu au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, lorsque l’impossibilité d’exécuter le préavis n’est pas le fait du salarié ; qu’en déboutant M. X… de sa demande de complément d’indemnité de préavis et des congés payés afférents, aux motifs qu’il était dans l’incapacité d’exécuter le préavis par suite de la suspension immédiate de permis de conduire, sans rechercher si, comme le soutenait M. X…, la société « Z » n’avait pas refusé de le reclasser temporairement sur l’un des postes de mécanicien atelier disponibles, alors qu’elle avait procédé ainsi lors de la première suspension de permis de conduire du salarié en 2006, de sorte que l’impossibilité d’exécuter le préavis était en réalité le fait du l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

3°/ que l’employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition ; que pour débouter M. X… de sa demande de rappel de salaire du 22 mars au 6 avril 2013, la cour d’appel a énoncé qu’il s’était mis lui-même, par la commission d’une infraction, dans l’impossibilité de fournir sa prestation de travail et qu’il importait peu que le salarié affirme s’être tenu à disposition de l’employeur ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait M. X…, la société « Z » n’avait pas refusé de le reclasser temporairement sur l’un des postes de mécanicien atelier disponibles, alors qu’elle avait procédé ainsi lors de la première suspension de permis de conduire du salarié en 2006, de sorte que l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé M. X… de fournir une prestation de travail à son employeur était en réalité imputable à la société « Z », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 (devenu 1103 et 1104) du code civil ;

(…)

La Cour de cassation rejetait l’argumentation dans ces termes :

(…)

Mais attendu qu’ayant fait ressortir que le permis de conduire était nécessaire à l’activité professionnelle du salarié, la cour d’appel, qui a constaté que celui-ci du fait de la suspension de son permis de conduire, était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

(…)

La cour de cassation vient d’apporter une nouvelle pierre à son édifice en indiquant clairement que le permis de conduire peut être un élément essentiel de l’activité professionnelle.

Peu importe que ce le salarié soit un « chauffeur » de véhicules ou pas, car le simple fait que l’activité du salarié nécessite des déplacements, .

Le défaut de permis implique alors un trouble au bon fonctionnement de l’entreprise et peut, dans certains cas et sous certaines conditions, constituer un motif légitime de licenciement.

Attention néanmoins aux limites jurisprudentielles :

° Cass. soc. 26-9-2001 n° 99-43.636

Une annulation ou une suspension du permis de conduire pour des faits commis dans le cadre de la vie personnelle du salarié ne saurait justifier un motif disciplinaire.

° Cass. soc. 20 décembre 2017, n°16-14.179

Un fait commis dans le cadre de la vie personnelle du salarié ne peut constituer une faute, sauf si cela constitue un manquement aux obligations contractuelles du salarié (…) ou encore lorsqu’il est possible de rattacher ce fait à la vie professionnelle du salarié

Ainsi, des faits commis dans un cadre privé, même si ayant eu pour conséquence la suspension ou l’annulation du permis de conduire (alcool au volant, stupéfiants au volant, homicide involontaire, blessures involontaires…) ne pourront jamais entraîner de sanctions disciplinaires de la part d’un employeur, parce que commis en dehors du cadre professionnel.

A contrario, si le salarié a adopté un comportement dangereux (ivresse manifeste, excès de vitesse,…) pendant ses heures de travail, il pourra se voir sanctionner et ce, jusqu’au licenciement.

En revanche, des faits commis en dehors du cadre professionnel (alcool, vitesse…) mais ayant des répercussions sur le cadre professionnel (suspension du permis d’un chauffeur routier), pourront entrainer des sanctions disciplinaires (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 mai 2011, 09-43.192, Inédit)

En pratique, quelles sont les circonstances qui permettent de justifier un licenciement lorsque le salarié ne peut plus conduire à cause d’une suspension ou annulation de permis de conduire ?

Le contrat de travail du salarié doit bien sûr, prévoir des déplacements professionnels réguliers et la conduite d’un véhicule.

Attention, une réorganisation des postes devra être tentée ou réalisée avant de pouvoir se prévaloir de la dernière jurisprudence de la cour de cassation ici commentée.

En effet, si la suspension (plus évidente) ou l’annulation (moins évidente) du permis de conduire du salarié, est un problème mais que la réaffectation du salarié à un autre poste est envisageable, alors le salarié ne pourra se faire licencier ou dans tous les cas pour une cause réelle et sérieuse. Le salarié pourrait par exemple aussi envisager de prendre ses congés  pendant le temps d’une suspension de permis qui s’avèrerait courte, pour éviter une éventuelle sanction. Si le salarié peut être affecté à un poste administratif dans l’attente de la durée de sa suspension, la chambre sociale de la Cour de cassation considère alors qu’il existe une alternative au licenciement car il cela ne devrait pas constituer un trouble au fonctionnement de l’entreprise.

Si votre permis de conduire devait alors être simplement suspendu, pour une courte période, alors que vous auriez réalisé une infraction au code de la route en dehors du cadre professionnel, essayez de trouver une solution alternative avec votre employeur en envisageant toutes réaffectations possibles.

Si aucune solution n’était envisageable, vérifiez bien les motifs de licenciement qui devront reprendre les impossibilités de réaffectation, et observez le délai entre la date de notification de votre licenciement et la fin de la suspension de votre permis de conduire, la Cour d’Appel de Paris s’étant régulièrement prononcée en faveur du salarié dont la fin de la durée de la suspension de son permis de conduire était finalement assez proche (7 à 10 jours) de la date de la notification de son licenciement.

Enfin, il est utile de savoir que si votre permis devait être annulé, mais validé de nouveau grâce aux services d’un cabinet d’avocats tel que le nôtre, et que vous aviez fait l’objet d’une mesure de licenciement, vous auriez toujours la possibilité de contester votre licenciement par la suite puisque la revalidation du permis prend sa source dans l’annulation de la décision d’annulation de permis, c’est à dire l’annulation de la décision 48SI.

En cas de doute, n’hésitez pas à consulter le cabinet qui dispose d’un département dédié à l’analyse de ces situations, et qui soit tentera de vous récupérer un permis annulé avant que vous n’ayez pu recevoir la moindre mesure disciplinaire, ou, dans tous les cas, pourra vous recommander les services d’un confrère spécialisé en droit du travail afin de travailler en collaboration avec ce dernier.

2018-04-27T11:20:59+01:00
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